ProNews

Fiscalité des entreprises et des particuliers

11 décembre 2020 Médias24

Mohamed Benchaâboun a réussi à faire passer son projet de loi de finances pour l'année 2021.

Un budget qui a été assez difficile à monter dans un contexte de crise, d’assèchement des recettes de l’Etat, d’augmentation des dépenses et des doléances, aussi bien des ménages que des entreprises.

L’argentier du royaume devait donc tenir cette équation, tout en veillant à ne pas creuser davantage le déficit budgétaire, mais sans tomber toutefois dans une austérité qui serait suicidaire en ces temps de crise.

Sa formule, quoique critiquée par certains partis, a réussi à convaincre la majorité. Et elle semble tenir globalement la route, vu les moyens limités de l’Etat.

Avec un budget d’investissement qui augmente à 230 milliards de dirhams (en tenant compte des 45 milliards de dirhams du fonds Mohammed VI), une augmentation de 6 milliards des budgets de la santé et de l’éducation, la création de près de 40.000 postes d’emplois dans la fonction publique (en comptant les enseignants et cadres des AREF), le ministre des Finances est arrivé à dégager des marges budgétaires pour réduire le déficit budgétaire à 6,5% en 2021, contre 7,5% cette année.

Et malgré l’explosion de l’endettement du Trésor à plus de 75% du PIB, il assure que la charge d’intérêt que paiera le Maroc en 2021 sera moins importante que celle de 2020 (28,6 milliards en 2021 contre 29,3 milliards en 2020), le pays ayant profité d’un effet de taux favorable.

Armé donc de ces principaux chiffres, bonifiés par la prévision d’un retour à la croissance à un niveau de 4,8%, Benchaâboun a défendu bec et ongles son projet, insisté sur l’effort fourni par l’Etat, sur la réussite d’un exercice presque impossible. Un budget qui ne se contente pas de gérer la crise, ou ses effets, mais qui prépare le terrain à des réformes profondes dont le ministre a fait ses priorités pour 2021 ; suivant en cela les orientations royales des discours du Trône et de celui de l’ouverture du Parlement : le lancement du chantier de généralisation de l’AMO aux populations non couvertes et la réforme de l’administration et du secteur public.

Pour réussir cette équation, Benchaâboun disposait de deux outils : accroître les recettes de l’Etat, en créant de nouvelles taxes ou en augmentant certaines, et baisser les dépenses à travers la réalisation de 3 milliards d’économie sur le budget du fonctionnement des services publics.

Un exercice qui s’est avéré compliqué, malgré les recettes escomptées des privatisations (10 milliards) et des nouveaux mécanismes de financement innovants (14 milliards), car si l’augmentation des impôts ou des droits de douanes est nécessaire pour protéger l’industrie nationale et aider à sa relance, elle peut avoir un effet pervers sur l’économie. C’est d’ailleurs ce point qui a cristallisé l’essentiel des débats autour du PLF au sein du Parlement. Et c’est aussi sur ce registre que le citoyen et l’entreprise ressentiront des changements directs dès le 1er janvier…

Voici une synthèse des principales mesures qui sont passées et qui auront un effet direct sur le portefeuille des ménages et des entreprises en 2021.  

Particuliers : de nouveaux prélèvements et des cadeaux

Commençons par l’impôt sur le revenu qui concerne les salariés, les fonctionnaires, les retraités, les chercheurs d’emplois, ainsi que toute personne physique percevant des revenus autres que les salaires. Plusieurs aménagements ont été réalisés dans ce PLF.

Il s’agit d’abord de la contribution de solidarité que devront payer les personnes soumises à l’IR dès la première paie de l’année 2021. 

Celles-ci devront payer en plus de l’IR dont les taux n’ont connu aucun changement, une contribution supplémentaire de 1,5% sur leur salaire net. Seules les personnes percevant un revenu mensuel net supérieur à 20 000 dirhams sont concernées par cette mesure.

Cette contribution ne sera a priori appliquée qu’en 2021 et les recettes qu’elle va dégager serviront à financer en partie l’élargissement de l’AMO pour les travailleurs de l’informel.

Autres mesures portant sur l’IR mais qui vont dans le sens de son allègement pour une catégorie de la population qui cherche un premier emploi ou qui a perdu son emploi à cause de la crise du Covid :

- L’exonération de l’IR pour toute nouvelle recrue âgée de moins de 35 ans pour une durée de 3 ans sur la base d’un CDI.

- Les salariés qui ont perdu leur emploi entre le 1er mars et le 30 septembre 2020, pour des raisons liées directement à la crise du Covid, seront eux exonérés de l’IR pour une durée de 12 mois s’ils retrouvent un emploi. Cet avantage est plafonné à un salaire mensuel de 10 000 dirhams.

Le PLF apporte aussi une autre bonne nouvelle pour les personnes soumises à l’IR : la prolongation pour 2021 de l’amnistie fiscale sur les personnes qui se déclarent pour la première fois au fisc.

Les particuliers se sont vu accorder également un autre avantage : la défiscalisation des produits financiers perçus sur les emprunts d’Etat. Ces intérêts sont actuellement taxés à 30% pour les résidents et à 15% pour les non-résidents. Une mesure qui prépare le terrain à un grand emprunt national qui ciblera les grands épargnants.

Et pour encourager les ménages à concrétiser leurs projets d’achats immobiliers ou faciliter l’accès au logement aux personnes à bas revenus, il a été décidé de prolonger l’avantage fiscal instauré dans la loi de finances rectificative de 2020 sur les droits d’enregistrement jusqu’à fin juin 2021. Avec son élargissement à de nouvelles tranches.

Ainsi, sur le premier semestre de 2021, l’achat d’un logement social d’une valeur de 140.000 ou 250.000 DH restera exonéré totalement des droits d'enregistrement.

La loi de finances rectificative avait également instauré une réduction de 50% de ces droits pour l’achat de biens d’une valeur ne dépassant pas 2,5 MDH. Désormais, cet avantage est élargi à tout bien immobilier (résidence ou terrain à usage d’habitation) d’une valeur allant jusqu’à 4 MDH.

Professionnels : une contribution unique pour remplacer le régime forfaitaire

Les commerçants, artisans et autres professionnels qui payaient jusque-là un forfait en guise d’impôt sur leur activité pourront à partir du 1er janvier passer à un régime plus simplifié qui leur ouvre en plus l’adhésion au régime de l’AMO : celui de la contribution professionnelle unique, la CPU.

Cette mesure concerne plus de 500 000 professionnels inscrits actuellement dans le régime forfaitaire, selon les chiffres de la DGI. Elle simplifiera leur relation avec l’administration et leur permettra de bénéficier de la couverture maladie. Selon le ministre des Finances, si tout le monde adhère au nouveau régime de la CPU, plus de 2 millions de personnes pourront être couvertes par l’AMO à partir de 2021.

Cette CPU est une sorte d’impôt unique d’un taux de 10%, qui réunit tous les impôts et taxes qui étaient payés jusque-là par les professionnels, et qui sera majorée d’une contribution complémentaire (qui varie selon l’activité et le revenu de la personne) destinée à la couverture médicale.

L’adhésion au régime de la CPU est conditionnée par le chiffre d’affaires réalisé par la personne concernée, car dans le fond, cette mesure vise les personnes à revenu modeste.

Deux limites sont instaurées selon le type d’activité :

- un chiffre d’affaires de 2 MDH pour les activités commerciales, industrielles et artisanales,

- et 500 000 dirhams pour les prestations de service.

Pour le paiement de cet impôt, le gouvernement donne le choix aux professionnels de procéder à la déclaration et au versement spontané de manière trimestrielle ou une fois par an, avant le 1er mars de l’année suivant celle au cours de laquelle le chiffre d’affaires a été réalisé.

Une mesure qui, en plus de simplifier la vie des petits professionnels, en rendant le calcul et paiement de l’impôt plus transparent, contribuera à élargir l’assiette fiscale et à faire bénéficier cette population de travailleurs ainsi que leur famille de la couverture maladie.

Ce même principe de paiement d’une contribution complémentaire qui donne droit à l’adhésion au régime de l’AMO a été accordé aux auto-entrepreneurs qui pourront dès 2021 bénéficier de tous les services de l’assurance maladie moyennant le paiement de cette contribution.

Les circulaires d’application de la DGI qui sortiront dès le début de l’année apporteront plus de précisions sur cette contribution, son montant et la récurrence de son paiement.

Entreprises : des prélèvements sur les bénéfices et de nouvelles carottes pour certains secteurs

La fiscalité des entreprises connaîtra également certains changements en 2021.

Il y a d’abord la contribution de solidarité que les sociétés devront payer au même titre que les personnes physiques. Ce nouveau prélèvement portera sur les bénéfices des sociétés selon le barème suivant :

- 1,5% sur les bénéfices compris entre 1 et 5 MDH,

- 2,5% entre 5 et 40 MDH,

- et 3,5% au-delà d’un résultat net de 40 MDH.

Mais il s’agit de la seule mesure qui vient alourdir la pression fiscale sur les entreprises, car pour toutes les autres mesures adoptées, les entreprises sont gagnantes.

C’est le cas par exemple de la réduction de 1 à 0,5% des droits d’enregistrement pour les constitutions et augmentations de capital par apport en nature. Ainsi que la suppression des droits d’enregistrement sur les obligations, reconnaissances de dettes et cessions de créances. 

Des mesures qui visent à encourager davantage les opérations de recapitalisation des sociétés dont la majorité a été lourdement impactée par les effets de la crise économique liée au coronavirus. Et qui apporte une neutralité fiscale aux apports des associés dans le compte courant des sociétés et autres opérations de prêts intragroupe. Des opérations qui subissent jusque-là un droit d’enregistrement de 1,5%.

A côté de ces mesures transversales, qui concernent toutes les entreprises, le PLF a concédé certains cadeaux pour trois secteurs : l’élevage de chevaux, l’aviculture (élevage de volailles) et les médias audiovisuels privés.

Les deux premiers ont été intégrés dans le périmètre des activités agricoles. Ils bénéficieront donc à partir de 2021 de toutes les exonérations et avantages fiscaux accordés au secteur agricole.

Quant aux acteurs de l’audiovisuel, le patronat a obtenu du gouvernement l’élargissement des subventions et aides accordées aux médias publics et aux chaînes privées. Celles-ci bénéficieront ainsi de tous les mécanismes d’aides octroyées par le « fonds pour la promotion du paysage audiovisuel public », dont le nom changera par un simple remplacement du mot « public » par le terme « national ».

Importateurs : le gouvernement serre la vis

Engagé depuis l’éclatement de la crise dans une politique de protection du tissu industriel local et d’encouragement du capital privé à investir dans l’import-substitution, le gouvernement a relevé les droits de douane sur plusieurs produits. Mais a également tenu à maintenir un certain équilibre pour ne pas pénaliser des industriels qui importent des intrants nécessaires non disponibles sur le marché local et qui peuvent obérer leur compétitivité.

Sur ce point, le grand sujet qui a cristallisé les débats est celui des droits de douane sur les fibres en polyester.

Alors que la filière du rembourrage (matelas) exigeait l’augmentation des droits de douane sur le polyester de 2,5 à 17,5% pour se protéger contre la concurrence étrangère (demande satisfaite par le gouvernement dans le PLF), les députés de la première chambre ont décidé en première et en deuxième lecture du PLF de maintenir le niveau des droits de douane sur ce produit à 2,5%. Un amendement de dernière minute qui converge vers les doléances des textiliens qui utilisent cette matière comme intrant dans leur processus de production. Ainsi, pour 2021, le polyester, toutes catégories confondues, restera taxé à l’entrée des frontières à un taux de 2,5%.

C’est dans ce même esprit que d’autres produits qui ne sont pas produits localement mais qui sont nécessaires à la vie des entreprises ou des citoyens ont pu bénéficier de la baisse des droits de douane.

Il s’agit par exemple des pneumatiques pour autobus, camions, tracteurs routiers, véhicules et engins agricoles et engins de génie civil, dont les droits de douane passent de 40% à 17,5%. Ainsi que du Cyclosérine, un antibiotique antituberculeux dont les droits passeront de 40% à 2,5%.  

A part ces trois catégories de marchandises, une longue série de produits ont vu leurs droits de douane augmenter dans un souci de protection de la production locale. En voici la liste :

- Tissus d’ameublement : de 17,5% à 40% 

- Etoffes de bonneterie : de 10% à 40% pour protéger l’industrie nationale de fabrication des couvertures.

- Tissus épais servant à fabriquer des couvertures : de 2,5% à 40%, sauf pour les tissus qui servent d'intrants pour la production de manteaux.  

- Cartouches TONER : de 2,5% à 17,5% 

- Produits du chocolat : de 17,5% à 40% 

- Marchandises importées, ayant acquis l’origine marocaine, après leur transformation sous RED : instauration d’un taux d’importation minimum de 2,5%.

- Parapluies, ombrelles et parasols autres que ceux des jardins : de 2,5% à 40%.

- Montures assemblées pour parapluies, ombrelles et parasols : de 2,5% à 17,5%.

- Pneumatiques pour véhicules de tourisme, motocycles et bicyclettes : le taux actuel de 40% est maintenu mais étendu aux pneumatiques montés sur jantes.

Retrouvez cet article sur Médias24