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Les recrutements reprennent mais attendent beaucoup de la campagne de vaccination
16 février 2021 Media24
Les entreprises se montrent encore quelque peu frileuses malgré la reprise des recrutements.
La reprise des recrutements en ce début d’année ne fait pas totalement l’unanimité auprès des cabinets joints par Médias24. Près d’un an après l’apparition de la crise sanitaire, puis économique, les recruteurs font toujours preuve d’une certaine frilosité.
"L’activité du recrutement chez nous est morose. Les entreprises n’ont presque aucune visibilité, et lorsqu’elles en ont, elles se montrent prudentes et préfèrent attendre avant de recruter. Seul élément positif : les recrutements sont très dynamiques dans le secteur de l’informatique et du digital, de l’externalisation des services, des centres d’appels et de l’automobile, mais seulement pour des profils très pointus", note Ali Serhani, directeur associé chez Gesper Services.
Réelle reprise ou compensation des pertes de 2020 ?
Au sein du cabinet H&F Associates, le redémarrage des recrutements en ce début d’année est bien palpable, mais suscite quelques interrogations. Romain Férier, son directeur associé, se dit satisfait mais se montre tout de même dubitatif : "Les recrutements ont très bien repris en ce début d’année 2021. Nous avons fait un très bon mois de janvier et un très bon début de février. Ceci dit, reste à savoir si ce dynamisme s’explique par le fait que les entreprises rattrapent leurs recrutements, c’est-à-dire qu’elles recrutent pour les postes qu’elles n’ont pas pu pourvoir l’an dernier, ou s’il s’agit d’une réelle et profonde reprise sur du business classique. Les multinationales ont beaucoup réduit les recrutements l’année dernière et les reprennent en ce début d’année. Dans quelles circonstances et dans quelles proportions vont-elles avoir les coudées franches ? Cela, nous ne le saurons qu’au printemps, d’ici fin mars ou fin avril."
Et d’ajouter : "Nos deux principaux clients, des multinationales européennes, ont recommencé à recruter de façon tout à fait normale, avec des créations de postes et des relocalisations d’activités européennes vers le Maroc. Chez les autres clients, l’activité a aussi nettement repris par rapport à la fin de l’année dernière, mais encore une fois, je m’interroge : n’est-ce qu’une compensation ou, au contraire, une tendance durable et solide ?"
Abdelaziz Bennis, directeur général du cabinet IBB Executive Search, spécialisé dans le recrutement de cadres dirigeants et supérieurs, et président de l’Association marocaine du conseil en recrutement (AMCR), partage également une lecture nuancée de cette reprise. "Les recruteurs sont dans un certain attentisme, mais c’est un attentisme relatif dans le sens où la reprise, certes bien là, est pour l’instant graduelle. En termes de volume et de rythme, les recrutements à l’heure actuelle n’ont évidemment rien à avoir avec ceux du premier trimestre de 2020, où nous avions connu une hausse exponentielle des recrutements", explique-t-il.
Les postes de direction ont le vent en poupe
En revanche, chez les cadres dirigeants et supérieurs, pas d’attentisme. "Un certain nombre de secteurs résilients ont continué à recruter, notamment la finance, la grande distribution, les télécommunications et le digital. Nous voyons également apparaître une série de PME marocaines plus ou moins grandes, principalement à capitaux familiaux, qui veulent renforcer leur management et leur gouvernance. Dans ce sillage apparaissent de nouveaux recruteurs qui veulent professionnaliser, sécuriser et structurer leur entreprise, et surtout, la faire sortir de cette crise qui a violemment impacté leur business", ajoute Abdelaziz Bennis.
Les directeurs financiers et administratifs sont effectivement très demandés, constate de son côté Rachida Jalal, directrice générale du cabinet Pluriel RH. "Nous recevons notamment des demandes d’entreprises étrangères pour des postes basés en dehors du Maroc. Les recrutements reprennent, mais pas au même niveau que les années précédentes. Les entreprises qui recrutent ne le font que pour des besoins très précis, notamment dans le commercial, l’informatique, les assurances et l’industrie en général", explique Rachida Jalal.
La campagne de vaccination, l’espoir des recruteurs
Si la reprise des recrutements est donc confirmée mais nuancée, les cabinets de recrutement fondent leurs espoirs (et ceux de leurs clients) sur la campagne de vaccination, qui a démarré jeudi 28 janvier. "Je crois sincèrement qu’elle va changer la donne, même s’il est encore trop tôt pour se prononcer sur son impact actuellement. La campagne va crescendo et ne concerne pour l’heure que des tranches d’âge qui ne sont pas concernées par l’emploi en entreprise. Il faut attendre qu’elle s’élargisse à l’ensemble de la population pour en ressentir les effets sur le marché de l’emploi", estime Rachida Jalal.
"Les recruteurs misent beaucoup sur la campagne de vaccination, mais ils attendent qu’elle atteigne un stade suffisamment avancé. Ils attendent aussi impatiemment la réouverture des frontières (notamment avec la France, deuxième partenaire économique du Maroc) ; la plupart de nos clients sont des multinationales européennes et dépendent donc largement du marché européen", indique pour sa part Ali Serhani.
Abdelaziz Bennis constate lui aussi que "les entreprises attendent que la campagne de vaccination se termine pour avoir plus d’assurance et reprendre une activité plus ou moins normale". Même si, ajoute-t-il, "la normalité n’aura plus rien de celle d’avant". Il s’en explique : "Les entreprises vont s’orienter de plus en plus vers le digital et le numérique. Cela va avoir un impact significatif sur leur organisation et leurs ressources humaines, avec beaucoup de mobilité interne et de formations. Ces transformations passeront nécessairement par des recrutements car les entreprises, même si elles ne sont pas toutes encore exposées aux problématiques du digital et du numérique, auront besoin de renforts, notamment dans le top et le middle management."
Enfin, Romain Férier, estime que "l’impact de la campagne de vaccination est inexistant pour l’instant parce que nos clients sont totalement dépendant d’une situation mondiale beaucoup plus que d’une situation marocaine." Et de conclure : "Ce sont davantage les perspectives des entreprises et la situation au niveau du groupe qui font qu’elles sont plus ou moins réticentes à avoir des budgets dédiés au recrutement."
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